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Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/274

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celui de Gustave Planche. Je ferai un cahier cartonné et je les collerai tous dedans. Ce sera le livre d’or de la famille Eyssette… À propos, tu sais que la blanchisseuse vient le mardi… Surtout ne te laisse pas éblouir par le succès… Il est clair que tu vas en avoir un très grand et c’est fort dangereux, les succès parisiens. Heureusement que Camille sera là pour te garder des tentations… Sur toute chose, mon Daniel, ce que je te demande, c’est d’aller souvent là-bas et de ne pas faire pleurer les yeux noirs.

À ce moment nous passions devant le Jardin des Plantes. Jacques se mit à rire.

— Te rappelles-tu, me dit-il, que nous avons passé ici une nuit, il y a quatre ou cinq mois ?… Hein ?… Quelle différence entre le Daniel d’alors et celui d’aujourd’hui ! Ah tu as joliment fait du chemin en quatre mois !…

C’est qu’il le croyait vraiment, mon brave Jacques, que j’avais fait beaucoup de chemin ; et moi aussi, pauvre niais, j’en étais convaincu.

Nous arrivâmes à la gare. Le marquis s’y trouvait déjà. Je vis de loin ce drôle de petit homme, avec sa tête de hérisson blanc, sautillant de long en large dans une salle d’attente.

— Vite, vite, adieu, me dit Jacques. En prenant ma tête dans ses larges mains, il m’embrassa trois ou quatre fois de toutes ses forces, puis courut rejoindre son bourreau.

En le voyant disparaître, j’éprouvai une singulière sensation.