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Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/352

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à l’heure m’apporter les sacrements… Cela fera plaisir à notre mère, tu comprends… C’est un bon homme ce curé… Il s’appelle comme ton ami du collège de Sarlande. »

Il n’en pu pas dire plus long et se renversa sur l’oreiller, en fermant les yeux. Je crus qu’il allait mourir, et je me mis à crier bien fort : « Jacques ! Jacques ! Mon ami !… » De la main, sans parler, il me fit : « Chut ! Chut ! » à plusieurs reprises.

À ce moment, la porte s’ouvrit, M. Pilois entra dans la chambre suivi d’un gros homme qui roula comme une boule vers le canapé en criant : « Qu’est-ce que j’apprends, monsieur Jacques ?… C’est bien le cas de le dire… »

— Bonjour Pierrotte ! dit Jacques en rouvrant les yeux ; bonjour, mon vieil ami ! J’étais bien sûr que vous viendriez au premier signe… Laisse-le se mettre là, Daniel : nous avons à causer tous les deux. »

Pierrotte pencha sa grosse tête jusqu’aux lèvres pâles du moribond, et ils restèrent ainsi un long moment à s’entretenir à voix basse… Moi, je regardais, immobile au milieu de la chambre. J’avais encore mes livres sous le bras. M. Pilois me les enleva doucement, en me disant quelque chose que je n’entendis pas ; puis il alla allumer les bougies et mettre sur la table une grande serviette blanche. En moi-même je me disais : « Pourquoi met-il le couvert ?… Est-ce que nous allons dîner ?… mais je n’ai pas faim ! »

La nuit tombait. Dehors, dans le jardin, des per-