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Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/353

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sonnes de l’hôtel se faisaient des signes en regardant nos fenêtres, Jacques et Pierrotte causaient toujours. De temps en temps, j’entendais le Cévenol dire avec sa grosse voix pleine de larmes : « Oui, monsieur Jacques… Oui, monsieur Jacques… » Mais je n’osais pas m’approcher… À la fin, pourtant, Jacques m’appela et me fit mettre à son chevet, à côté de Pierrotte :

— Daniel, mon chéri, me dit-il, après une longue pause, je suis bien triste d’être obligé de te quitter ; mais une chose me console : je ne te laisse pas seul dans la vie… Il te restera Pierrotte, le bon Pierrotte, qui te pardonne et s’engage à me remplacer près de toi…

— Oui ! oui ! monsieur Jacques, je m’engage… c’est bien le cas de le dire… je m’engage…

— Vois-tu ! mon pauvre petit, continua la mère Jacques, jamais à toi seul tu ne parviendras à reconstruire le foyer… Ce n’est pas pour te faire de la peine, mais tu es un mauvais reconstructeur de foyer… Seulement, je crois qu’aidé de Pierrotte, tu parviendras à réaliser notre rêve… Je ne te demande pas d’essayer de devenir un homme je pense, comme l’abbé Germane, que tu seras un enfant toute ta vie. Mais je te supplie d’être toujours un bon enfant, un brave enfant, et surtout… approche un peu, que je te dise ça dans l’oreille… et surtout de ne pas faire pleurer les yeux noirs…

Ici, mon pauvre bien-aimé se reposa encore un moment ; puis il reprit :

— Quand tout sera fini, tu écriras à papa et à