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Page:David - Les Patriotes de 1837-1838, 1884.djvu/139

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les patriotes

pour dent, œil pour œil. Tous les jours, c’était une nouvelle scène, un nouveau sujet de rire pour les prisonniers et de jurer pour ceux qui les gardaient. Depuis le plus humble subalterne jusqu’aux fonctionnaires les plus élevés de la prison, tous furent l’objet de ses sarcasmes et de ses quolibets. Il avait coutume de dire que, puisqu’il était pour être pendu, il n’avait pas besoin de se gêner.

Un jour, il demande de l’eau à la sentinelle ; celle-ci refuse d’abord, mais se ravisant, elle prend un gobelet d’eau et le lui apporte. Viger prend le gobelet et le jette à la figure du soldat. Celui-ci furieux, décharge son fusil à travers le guichet de la cellule de Viger. La balle passa loin de Viger, mais alla s’aplatir sur le mur de la cellule de M. Lacoste. La sentinelle s’étant avancé la tête à travers la grille pour voir l’effet produit par son coup de fusil, Viger saisit une bouteille et la lui lança avec tant de force qu’il lui aplatit le nez.

Cette scène causa un grand émoi dans la prison, et les autorités exaspérées résolurent de sévir contre Viger.

En effet, le lendemain, un grand bruit de pas se fait entendre dans les corridors de la prison. C’était l’assistant-shérif qui venait, suivi de cinq soldats, mettre Bonaventure Viger aux fers. Viger, ne voulant pas se laisser mettre aux fers, s’accroche à la première pensée qui lui passe par la tête. Il empoigne de sa main gauche l’assistant-shérif par la basque de son habit, et de l’autre tirant de sa poche un couteau, il lui dit :

— Ah ! puisque je suis pour être pendu je n’ai rien à risquer, il faut que vous m’écoutiez. Est-ce que vous avez le droit de mettre un homme aux fers sans que le shérif y soit ? D’ailleurs, quand je me suis plaint qu’on avait du mauvais pain, on m’a répondu que nous appartenions au militaire ; aujourd’hui j’appartiens au civil,