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Page:David - Les Patriotes de 1837-1838, 1884.djvu/254

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les patriotes

trois semaines plus tard, le 15 février, en même temps que de Lorimier, Narbonne, Daunais et Nicolas.

Moins sérieux et moins chrétien que de Lorimier, cherchant à s’étourdir, il montra jusqu’au dernier moment la plus grande insouciance, et cacha sous une gaieté bruyante les émotions qu’il éprouvait, surtout lorsqu’il pensait à sa vieille mère.

La veille de l’exécution, les prisonniers obtinrent la permission de donner un banquet à leurs infortunés compatriotes. C’était le souper des Girondins. On mangea peu à ce souper, les cœurs étaient trop serrés, mais la scène fut émouvante. Au dessert, l’héroïque de Lorimier proposa le toast suivant :

« Ma patrie — puisse-t-elle ne jamais oublier que nous sommes morts pour elle sur l’échafaud ! Nous avons vécu en patriotes et nous mourrons en patriotes ! À bas les tyrans ! Leur règne achève. »

Hindelang ayant été appelé à répondre à ce toast, fit un discours pathétique.

« Mes frères, par l’infortune, dit-il, je suis presque un étranger pour vous, nos relations ne datent que de quelques semaines ; c’est au camp de Napierville et sur le champ de bataille d’Odelltown que je vous ai connus la plupart. Mais notre attachement n’en est pas moins profond, car nous sommes liés par le même amour de la liberté, et nous sommes les enfants de la même mère, la France ! Ô France chérie, tu as reçu mon premier soupir, ton fils qui va mourir demain sur une terre étrangère, t’aime toujours ! Oui, je ne puis penser à toi, ma noble patrie, sans verser une larme, mais une larme d’affection. Adieu ! terre des braves et des héros ! Je ne t’ai pas déshonorée. J’ai été fidèle à la devise d’un Français : « La mort plutôt que le déshonneur ! » J’ai pris les armes en faveur de l’opprimé contre l’oppresseur. J’ai été vaincu et je suis tombé entre les mains de cruels ennemis ; ils pourront m’en-