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Page:Dax - Sans asile, paru dans la Revue populaire, Montréal, mai 1919.djvu/29

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— Elle ne le peut avec ce que m’a laissé mon père.

Malcie réfléchissait.

— Vous n’avez donc personne, absolument personne, pour vous seconder dans cette démarche délicate ?

— Personne. Je vous ai dit que je ne possédais qu’un ami. Certes ce n’est pas lui que je chargerai de pareille corvée.

Après une minute de silence, la femme du capitaine Jean proposa :

— Eh bien, mais… est-ce que vous mettriez ?

…Pensez-vous que j’aurais, dans la circonstance, assez de tact…

…Vous n’auriez qu’à me confier l’adresse…

…J’essaierais.

…Il faut bien se rendre utile.

…Entre femmes, certaines choses s’expliquent plus facilement. Il y a des cordes qu’on arrive toujours à faire vibrer.

…Je suis sûre, qu’au fond, elle serait heureuse.

…Elle peut être fière de vous.

…Vous avez un grand talent. Vous pouvez devenir célèbre.

…Qu’est-ce qui vous manque ?

…Un rien, peut-être, une relation, un article dans la presse.

Elle parlait simplement, avec cœur.

Roger regardait avec extase cet ange de bonté qui voulait lui ouvrir le ciel, aplanir les difficultés de son chemin.

Une allégresse le détendait.

Sa joie passa dans son regard. Son visage s’empourpra.

Il lui tendit la main et mit dans l’étreinte toute la force nerveuse de sa fragilité physique.

Saisis d’une gêne, Malcie retira ses doigts. L’espoir de relever une créature malheureuse dissipa l’émotion passagère.

Avec un accent de profonde sincérité, elle dit :

— Paul, vous étiez sur le point d’accomplir des bêtises. Avec mon aide, nous allons essayer autre chose. Je vous promets mon concours. Quant à vous, à partir d’aujourd’hui, vous aurez deux buts. Je ne parle pas de votre guérison qui n’est plus, je pense, qu’une affaire de jours. Vos deux buts seront la charmante jeune fille dont vous me parlez… et votre art…

…Il faut que vous deveniez célèbre.

…Tout me dit que vous le deviendrez.

L’abandonné avait trouvé sa voie.

Une main de femme, la lui montrait.

Il la suivrait.

Absorbés dans leurs pensées, ni l’un ni l’autre n’avaient entendu un avertissement à la porte du peintre.

Il fut renouvelé.

— Quelqu’un chez vous, dit Malcie.

C’était l’ami du jeune homme.

— Madame, expliqua Roger, je vous présente l’ami sincère dont je vous entretenais. Maurice Méen. C’est à lui que je dois à peu près toutes mes joies.

— Madame, il y a beaucoup d’exagération dans ce que vous entendez. Nous éprouvons une mutuelle sympathie l’un pour l’autre, voilà tout.

…Eh bien, comment cela va-t-il ?

— Je suis à moitié guéri.

— Une autre fois, tu feras en sorte de ne pas nous occasionner de frousses pareilles.

Malcie se leva.

— Je vous laisse tous deux.

— Est-ce ma présence qui occasionne votre départ, madame ? J’en serais désolé.

— Non, monsieur. Ma visite a été un peu longue, beaucoup plus longue que celles que je fais d’habitude le matin. Je suis heureuse que tout va pour le mieux. Je reviendrai un de ces jours.

— Je serai certainement levé.

— Pas d’imprudences.

— Je n’en ferai pas. Voudriez-vous me dire, madame, si vous reviendrez le matin ou dans l’après-midi ?

— Si cela ne vous fait rien, répondit Malcie, je préfère le matin. En général, je suis plus libre de mes matinées que de mes après-midi ?