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Page:Dax - Sans asile, paru dans la Revue populaire, Montréal, mai 1919.djvu/31

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nent aucune idée de ses derrières. Ce n’est pas un magasin.

— Est-ce un hôtel ?

— Non.

— Une maison bourgeoise ?

— Ça n’en a pas l’air… Madame s’est enfilée dans un couloir.

— Un couloir qui conduit à quoi ?

— C’est que je ne m’y suis pas aventuré. Si nous nous étions trouvés nez à nez, monsieur pense que cela aurait fait de la belle besogne. Qu’est-ce que j’aurais répondu, si, tout à coup, madame s’était montrée devant moi ?…

— C’est bien. Va-t’en.

Même calme, même sang-froid, mêmes câlineries de la part de la jeune femme.

À peine de temps en temps, une pensée qui semblait l’absorber, mais c’était comme une de ces lueurs qui, tout à coup, se manifestent, et tout à coup disparaissent.

Jean ne questionna pas sur la sortie du matin.

Il évita de paraître renseigné.

Pour cela, il attendrait que les notes soigneusement compulsées, ne permettent pas une négation.

Malcie parla de promenade avec ses enfants. Fulbert fut libre.

Mme d’Anicet sortit en effet avec les bébés, mais, en sortant, elle avait une idée fixe.

Chez Roger, elle avait vu la carte laissée volontairement par l’ami, le jour de l’accident.

Elle en avait retenu l’adresse, et, pendant son retour, chez elle, elle s’était proposée de se rendre dans la famille du jeune homme pour obtenir, si possible, quelques renseignements.

Maurice Méen, habitait rue de Ponthieu, avec sa mère et sa sœur.

À deux pas.

— J’ai une course à faire tout près, expliqua-t-elle à la nourrice, lorsqu’elles furent aux Champs-Élysées. Je vous rejoindrai ici. Ne vous éloignez pas.

— Madame me retrouvera ici.

En quelques minutes, Malcie était à l’adresse retenue.

Ce fut une charmante jeune fille qui l’introduisit auprès de sa mère, dans un petit salon très coquet, minutieusement propre.

— Madame, expliqua-t-elle. J’ai été mise au courant d’un accident arrivé à un ami de monsieur votre fils. Je désirerais avoir quelques renseignements sur le jeune homme, dont il s’agit.

— Rien n’est plus facile, madame. Veuillez vous asseoir. Mon fils est ici. Berthe, préviens ton frère, mon enfant.

Subitement, la jeune fille avait rougi puis elle était devenue très pâle.

Lorsqu’elle revint, son frère l’accompagnait. Elle lui laissa sa place en pleine lumière, et elle se mit, elle, à contre jour.

Maurice avait reconnu la visiteuse.

— Pardonnez-moi de vous déranger, monsieur. Je m’intéresse à votre ami. Avant de poursuivre des démarches que j’ai l’intention d’entreprendre, je souhaiterais obtenir quelques indications. Quelle est la situation pécuniaire de ce jeune homme ?

— En deux mots, madame, je vais vous dire tout ce que je sais. Roger est fier. Je crois qu’il a beaucoup souffert. Il est un peu aigri. Il n’a aucune famille.

— Aucune ?

— Je le crois. Nous nous sommes connus il y a près de cinq ans. Il possède des qualités rares. Chez lui, l’honneur et le devoir sont poussés à l’excès.

…Sa situation pécuniaire, pour répondre à votre question, est des plus modeste. Je ne lui connais que les ressources de son pinceau. Mon ami mourrait plutôt que de tendre la main.

— Dans ce cas, l’obliger deviendra difficile.

— Quelques ménagements seront nécessaires pour ne pas le froisser.

— Ses œuvres paraissent bonnes.

— Elles sont excellentes, madame. Mais mon ami reste trop replié sur lui-même.