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Page:Dax - Sans asile, paru dans la Revue populaire, Montréal, mai 1919.djvu/54

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vous pouvez le retrouver sur votre chemin, monsieur Roger.

…À votre place, je garderais ses bonnes grâces et je ferais en sorte d’avoir son amitié.

— Je n’hésiterais pas si quelques jours s’étaient écoulés. Aujourd’hui même ?… Ce soir ?…

— Je vous comprends !… Réfléchissez encore avant d’envoyer votre bleu, croyez-moi.

Adossé au chambranle de la porte, Roger, le regard vague, mais la pensée travaillant, dit, perplexe :

— Votre raisonnement est juste, surtout dans l’impasse où je me trouve. Si je veux aller de l’avant, il ne s’agit pas de fermer toutes les portes devant moi.

— Eh ! non, eh ! non, monsieur Roger. Vous devez même faire tout ce qui sera en votre pouvoir pour les ouvrir. Et puis, lorsqu’elles seront entrebâillées, allez-y d’un coup d’épaule. C’est la vie !…

Lorsque le peintre quitta la loge, il avait abandonné le projet du télégraphe.

Dans l’après-midi en palpant les billets de banque versés par William Vanderbrook, Roger se dit :

— Maintenant que me voilà presque riche, je ne puis aller dîner au Terminus dans l’accoutrement que j’ai sur moi.

Il ouvrit les battants d’un placard.

— Un peu maigre mon porte-manteau !

Il partit pour le boulevard Sébastopol où il acheta un complet et, à six heures moins cinq, il arrivait à l’hôtel.

L’appartement retenu pour quinze jours par William Vanderbook se composait d’une chambre et d’un salon.

C’est là que fut introduit, presque en même temps que Roger, un vieil ami de Maxime d’Hallon, le peintre Renaud.

— Très heureux de faire votre connaissance, mon ami. Élève de Baudruche, n’est-ce pas ?

— Oui, monsieur.

— Et, ce qui a pour moi un très grand prix recommandé par Mme d’Anicet, ma délicieuse petite Malcie.

Roger changea de couleur.

C’était donc elle qui avait parlé de lui à Renaud ? et c’était Renaud qui lui avait adressé l’Américain ?…

— Un vieillard !… dit l’étranger. Il fera son chemin.

Quand un artistes est aimé des femmes il fait toujours son chemin !…

Renaud rit d’un rire très franc. Le sourire de Roger resta mélancolique.

Le dîner fut au champagne.

Roger n’avait jamais assisté à pareille débauche gastronomique.

Il se souviendrait toute sa vie du menu princier.

Au dessert, une franche amitié liait les trois convives.

— Je me mets entièrement à votre disposition, mon ami, affirma Renaud. Nous ne sommes pas du même âge, puisque ma barbe est toute blanche, mais nous appartenons à la même école, cela suffit.

— Vous savez, appuya William Vanderbook amis de nos amis sont amis. Je viens à Paris tous les ans. Faites du beau, nous nous reverrons…

…Voulez-vous mon adresse ?

— Certes, je ne demande pas mieux.

En tendant un bristol glacé, l’Américain ajouta.

— Je ne réponds pas aux lettres très exactly, parce que je suis toujours en voyage, moi !… Mais je réponds toujours. Soyez sûr que vous recevrez réponse. J’aime cela, very much de répondre aux lettres.

— Avez-vous fait des affaires ensemble demanda Renaud.

— Oh ! my dear ! Je suis très content. Deux pictures superbes.

Les yeux ronds de l’Américain rencontrèrent les yeux de pervenche de Roger.

Ceux-ci le suppliaient.

Avec un sourire dont la malignité échappa à Renaud, le richissime expliqua seulement :

— Ravi, parce que à New-York, Wil-