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Page:Dax - Sans asile, paru dans la Revue populaire, Montréal, mai 1919.djvu/60

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« Si le secret qui me conduisait dans l’atelier où votre colère a éclaté m’avait appartenu, je n’aurais pas attendu pour vous le dévoiler.

« On est parfois, victime des égarements, des fautes des autres.

« C’est mon cas.

« Ce que je ne pouvais dire il y a trois semaines, je ne puis vous l’écrire : l’obstacle est devant moi.

« Cela, non jamais, mes lèvres ne le diront. Jamais une plume que je guiderai ne le dévoilera.

« Puisque je prépare ces lignes pour le cas où la mort me surprendrait avant qu’il y ait eu, entre nous, explications, vous pourrez vous rendre, je vous y autorise chez le peintre Roger.
« Je voudrais simplement que tout le monde fut heureux. »

« C’est un jeune homme sans famille à qui personne ne s’intéresse, alors qu’il aurait, aussi bien que d’autres, des droits à une affection et à un dévouement.

« Présentez-vous chez lui sans arrière-pensée et montrez-lui cette lettre.

« Je le laisse libre de vous communiquer ce qui m’attache à lui.

« Vous serez alors convaincu que rien de coupable n’existe entre nous.

« Lorsqu’il se sera expliqué, vous jugerez si vous ne devez plus le revoir.

« Vous serez libre également de lui tendre la main. C’est ce que fera votre loyauté d’homme de cœur, j’en suis convaincue.

« C’est tout.

« Je vous pardonne, mon cher Jean, vous avez dû beaucoup souffrir, vous aussi.

Malcie d’ANICET. »

Elle relut, glissa la lettre dans une enveloppe qu’elle cacheta de cinq cachets, écrivit dessus :

« Pour mon mari,
Le capitaine d’Anicet.
À lire après mon décès. »

Et, satisfaite, soulagée d’un poids énorme, elle la porta, bien en vue, sur une des tablettes de son armoire à glace.


VIII

rêve de mère


Ce même jour, Mme Méen faisait à son fils, en l’absence de Berthe, une confidence. La jeune fille était demandée en mariage.

Il n’y a qu’à communiquer la demande à ma sœur, conclut Maurice. Si elle consent, je n’y vois, pour ma part, aucun obstacle.

Un petit bruit dans la serrure, suivi de pas hâtifs, se firent entendre dans le vestibule.

— Je crois, du reste, que la voici.

En effet, Berthe, toute rieuse, revenait de chez une amie.

Jugeant que sa présence n’était pas nécessaire pour la communication, Maurice se retira.

La sœur passa dans sa chambre, enleva son chapeau, ses gants, et revint près de sa mère.

— Étiez-vous nombreuses à la réunion, mon enfant ?

— Une dizaine, toutes très contentes de nous retrouver. J’ai vu Lina Bertrand que je n’avais pas rencontrée depuis des an-