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Page:Dax - Sans asile, paru dans la Revue populaire, Montréal, mai 1919.djvu/70

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Une lueur de vie éclaira les yeux tout à l’heure mornes.

— Votre père…

— Je vous ai dit que nous étions seules. Si vous avez quelque chose à me révéler, parlez sans crainte… Est-ce quelqu’un à me recommander ?

— Oh ! je ne pourrai !… Je ne puis !…

— C’est cela, n’est-ce pas ? J’ai compris. Ce que vous me confierez sera respecté. Si vous avez une volonté à m’exprimer, je vous jure qu’elle sera respectée.

— Votre père a toujours ignoré…

— S’il ne doit jamais savoir, le silence que vous avez gardé sera continué. Si le bonheur dépend de son ignorance, tous mes efforts tendront à l’entretenir.

La main que Mme d’Anicet retenait tressaillit.

— Malcie !

— Mère !…

— On dirait… que… vous savez…

Un silence.

— Tenez ne prolongez pas plus longtemps vos souffrances… Oui, je sais…

— Vous savez ?…

— Oui.

— Comment avez-vous appris ?

— Peu importe.

La malade se redressa.

La femme du capitaine s’effraya des yeux qui la fixaient.

— Est-ce qu’il vit ?… Savez-vous s’il vit ?

— Oui, mère.

— Comment ? Je le croyais mort.

— Le père, oui. L’enfant, non.

La tête retomba sans forces sur l’oreiller.

— Il vit !… Il vit !… Mauvaise mère !… Malheureuse mère !… Maudite !…

Ses mains gesticulaient comme pour cacher une vision sinistre, comme pour éloigner un fantôme.

— Mère !

Les lèvres qui bleuissaient tremblotèrent encore, et, difficilement, articulèrent.

— Heureux ?… Malheureux ?… Dites-le moi.

— Beaucoup de choses lui ont manqué.

— Le connaissez-vous ?

— Oui.

— Je suis punie !… punie !… Ma fille savait !…

…Où vit-il ?

— À Paris.

Un silence de mort.

Puis un cri :

— Malcie ?…

— Mère.

— Malcie ?…

— Je vous écoute mère.

Le souffle devenait de plus en plus lent.

— Malcie ?…

La jeune femme se sentait elle-même défaillir d’émotion.

— Faites…

— Quoi… que voulez-vous que je fasse. Parlez, je jure d’accomplir tout ce que vous m’imposerez.

— Faites… faites… ce que je n’ai pas fait…

— Mère, j’en fais le serment.

Mme d’Hallon était épuisée.

Ses dernières forces avaient passé dans l’aveu.

Sa fille l’absolvait de son crime d’abandon.

Plus rien ne la préoccupait.

Sa tête s’amollit.

Ses yeux se fermèrent.

Elle avait l’air de dormir.

Malcie se redressa.

Défaillante, elle passa dans la salle à manger où, respectant sa volonté, son père et son mari attendaient.

Là, elle balbutia :

— Les épreuves sont parfois des liens qui rattachent ceux qui étaient désunis… Père, Jean, vous pouvez venir… J’ai eu du courage. Ayez-en aussi… La vie est peu de chose.

Tous trois entourèrent la couche.

L’agonisante rouvrit les yeux, regarda l’excellent homme qui l’avait rendue heureuse… elle regarda le capitaine Jean… et ses yeux, longuement restèrent sur Mal-