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Page:Dax - Sans asile, paru dans la Revue populaire, Montréal, mai 1919.djvu/77

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cherie d’amour qui l’a tenue tremblante, oppressée, une heure durant, derrière le tulle du rideau.

Elle s’éloigne et va d’un pas nonchalant, s’asseoir sur le canapé qui fait face à la porte.

Elle retient sa respiration… Elle écoute…

Jean monte.

Il est au premier étage.

Il arrive chez lui.

Le passe-partout glisse dans la serrure.

La porte est refermée.

Malcie n’entend plus rien. Elle a aux oreilles un douloureux bruit de cloche.

Elle est pâle à mourir.

Si Jean ne vient pas, s’il hésite, s’il retarde, c’est que là-bas l’explication n’a pas été ce qu’elle aurait dû être, c’est qu’ils ne se sont pas compris.

Elle essaye de percevoir un bruit. Elle veut que Jean vienne et elle ne peut pas croire qu’il ne viendra pas.

Rien encore.

Jean, cependant, est là derrière la porte. Son cœur bat avec une telle violence qu’il hésite à entrer… Jamais les mots ne lui viendront !

Soudain un geste significatif.

Assez souffrir !

Brusquement, il ouvre… Devant lui, dans une pâleur de morte, Malcie apparaît.

Elle se lève défaillante.

Mais Jean l’empêche de faire un pas. Elle est dans ses bras. Il la force a se rasseoir. Et lui, miné de remords, de confusion, mais dominé par l’amour qui vibre intense, il s’écroule à genoux devant elle.

Il l’enlace, regarde ses jolis yeux, constate la pâleur dont il est cause, n’ose pas encore l’embrasser, mais laisse tomber de ses lèvres tremblantes le mot :

— Pardon !… Pardon !…

Des pleurs de joie s’échappent des yeux de Malcie. Elle sourit… retient contre le visage torturé de celui que les remords accablent… et c’est elle qui donne les premiers baisers sur les yeux angoissés, sur les lèvres suppliantes…


XI

la toile


Des mois ont passé.

Ils ont été courts : la joie et le bonheur y présidaient.

Mme Barbillon n’a pas remis les pied à l’hôtel de la rue d’Aguesseau.

Les intermédiaires ne sont plus nécessaires.

Lorsque Malcie veut s’entretenir avec Roger, elle va chez lui. Le jeune homme a ses entrées chez le capitaine.

À sa première visite, la concierge, qui l’a reconnu, a montré quelque surprise mais, comme elles se sont renouvelées, les visites, la brave femme, qui a bon cœur et n’est point mauvaise langue au fond, a conclu :

— Encore un que madame a tiré du pétrin !…

Cependant, elle ne peut s’empêcher de murmurer :

— Pourtant ! et cette histoire !…

Immédiatement, elle ajouta :

— Bah ! j’en connaîtrai le dernier mot par Mme Barbillon !

Dans l’hôtel, le mystère est resté entre Jean et sa femme. À quoi donc ternir le souvenir de la morte, dans le cœur de celui qui l’a toujours aimée et estimée ?…

Du jour où Jean a su, aucun motif n’existait pour lui taire les dernières intentions d’Angèle d’Hallon.

Malcie n’a rien omis, pas même le désir exprimé.

« Faites ce que je n’ai pas fait ».

Seule, que peut-elle accomplir ?

Elle consulte Jean, et, avec son assentiment, elle propose à Roger de changer de local.

Il s’y est refusé.

— Rapprochez-vous de nous, a-t-elle dit, tentante.