Page:Dax - Sans asile, paru dans la Revue populaire, Montréal, mai 1919.djvu/83

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— Tu ne sais pas s’il a conclu son marché avec l’étranger ? Tu ne sais pas s’il est heureux ?

— Je me propose d’aller le voir.

— Me tiendras-tu au courant ?

— Oui, si tu es sage.

Elle sourit.

Il lui prit la main.

— Berthe ?

— Quoi donc ?

Timide, il exposa :

— Je crois que tu as tort de t’enfermer dans ton silence… Tu te fais mal.

— Je comprends que c’est cela, en effet.

— Les idées de maman pourraient être changées.

Le visage de Berthe prit subitement une coloration de vie.

Languissante, elle objecta :

— Ma mère ne m’a pas communiqué ses impressions. Tout me fait supposer qu’elle reviendrait facilement sur sa décision.

— Penses-tu ?

— C’est toujours la même chose : il n’a pas de nom, pas de famille.

— Si, Berthe, il a un nom. Celui qui est sur son œuvre ! Beaucoup le lui envieront. Quant à sa famille, ce sera nous, si tu deviens sa femme.

— Oh ! Maurice ! continua-t-elle avec un divin sourire, crois-tu, vraiment, que maman consentirait ?…

Avec la gaieté dans les yeux et aux lèvres, le jeune homme répondit :

— Roger t’aime… À dire vrai, je m’en doute un peu : mais… en supposant que je lui donne à entendre que je serais très heureux qu’il devint mon frère… en supposant que je m’autorise à faire le premier pas. Il faut que j’attende ta guérison. Une fiancée malade ?… Ce n’est pas possible !…

— Et maman ? C’est maman qui me préoccupe.

— Guéris, je m’en charge.

Sa tête se souleva sur l’oreiller.

Autour de son front, de jolis frissons la caressaient.

Elle était adorable, jolie à tenter le ciseau d’un sculpteur.

— Est-ce bien vrai, ce que tu dis là ?

Il répéta avec un geste d’affirmation :

— Guérie je me charge de maman.

Ceci se passait le surlendemain du jour où les deux conspirateurs avaient accompli leur petite fugue.

Pendant ce temps, que d’améliorations là-bas dans l’atelier ! que de joies entrevues ! que d’espoirs caressés.

En sortant du Salon, William Vanderbook avait couru rue Notre-Dame-des-Champs.

Porte close.

De là, il s’était fait conduire chez Renaud.

N’ayant pu le renseigner sur les heures de Roger, le maître accompagna l’Américain chez Malcie.

Fulbert fut immédiatement délégué chez le peintre. Une heure plus tard, il le ramenait avec lui.


Le traité de vente fut conclu avec le capitaine Jean et Malcie pour témoins. Compassion était payé vingt-cinq mille francs.

William Vanderbook devenait l’ami. Devant lui, fut soulevé le voile de l’avenir et le nom de la gentille Berthe fut prononcé.

D’un commun accord, il fut convenu que ce serait Malcie qui demanderait la main de la jeune fille.

Pouvait-on choisir meilleur avocat.

— Il ne faudra pas y mettre de retard, reprit Roger.

— Comptez sur moi.

— Eh ! mais, j’y pense, propose le richissime Américain, et si vous voulez faire votre voyage de noces à New-York, je vous invite. Je serai très heureux de produire là-bas le peintre Roger.

— Merci, mon cher monsieur, merci !… Il faut attendre !… Serai-je agréé ?…

William eut un geste très éloquent.

— Ils seraient difficile…