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— Et puis, ajouta Roger, je ne puis décider seul un tel voyage !…

L’Américain et le peintre quittèrent ensemble l’hôtel d’Hallon.

Dans la rue, Vanderbook un sourire sous sa moustache blond argent, mit sa main sur le bras du jeune homme :

— Veinard ! je l’avais annoncé, il y a un an : quand on est l’ami des jolies femmes, on réussit toujours ! je la reconnais et je me souviens !

— Oh ! protesta Roger, épouvantable méprise !… cruelle méprise !… C’est une sainte !…

Il n’y avait pas à douter de l’accent sincère.

Avec un flegme d’outre-mer, William murmura :

— Dommage !… Le « Pont de Joinville » il perd beaucoup de sa valeur.


XII

nid d’amour


Pour la seconde fois, Malcie se présente rue de Ponthieu.

Lorsqu’on est sous le coup d’une joie, on se fait difficilement à la pensée que les épreuves sont le lot de la plupart. On oublie les tristesses passées.

Heureuse, souriante, Malcie gravit les étages. Elle s’annonce, entend des pas lassés qui s’approchent. On ouvre.

Elle se trouve en face d’une femme pâlie, aux yeux fatigués, une femme à peine reconnaissable.

Un trouble différent les envahit toutes deux.

« Un malheur » pense Malcie.

« Que vient-elle faire ici ? » se demande Mme Méen.

La femme du capitaine Jean tend la main aux doigts glacés qui répondent machinalement.

Silencieuse, elle pénètre dans le petit salon.

Il lui paraît bien froid sans la présence de l’exquise jeune fille.

Entre les deux femmes, la conversation est longue.

Mme Méen passe de surprise en surprise.

Elle parle bas, elle ne veut pas que sa fille entende.

L’amour-propre lui met parfois des rougeurs au front.

Puis, le souvenir des jours pénibles, l’affolement des heures de crise, atténuent les mots acerbes qui lui échappent.

Que va-t-elle décider ?

Elle ne le sait pas.

Son trouble est trop grand pour qu’elle se prononce.

Elle réfléchira. Elle consultera Berthe.

Avant tout, il faut que celle-ci se remette.

L’arrivée de Maurice met trêve aux atermoiements.

Il a reconnu la voix de Mme d’Anicet. Il entre. Devant lui Malcie expose de nouveau le but de sa visite.

— Si Berthe consent, dit-il, pourquoi y mettrions-nous empêchement ? Je vais lui soumettre la chose.

Il se lève, il fit un pas.

— Maurice ?

— Maman.

— Maurice, tu sais que les docteurs ont conseillé des ménagements.

— J’en prendrai.

— Attend qu’elle soit complètement remise. Rien ne presse.

Le jeune homme a disparu…

Dès qu’il pénètre dans la chambre de la jeune fille, celle-ci l’interroge :

— Avec qui maman s’entretient-elle ? Il me semble que je connais la voix.

Maurice est content.

Il voudrait voir le sourire d’autrefois sur les lèvres de sa sœur. Il voudrait la voir heureuse et, pour cela, il voudrait tout lui dire, d’un seul coup, dans un seul mot.

Il craint.

Des ménagements sont encore nécessaires.