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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 1 - 1762-1765 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/111

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thier, si plaisanté par Voltaire[1]. On a prétendu depuis quelques jours qu’il était instituteur des Enfans de France. Ce bruit est faux. M. le duc de La Vauguyon avait la meilleure volonté du monde de le pousser à ce poste, mais il y a apparence qu’il sera tout au plus à la bibliothèque de M. le Dauphin, ou à celle du roi : jusqu’à présent il est chez ce seigneur.

29. — Personne, dans le monde littéraire, ne doute que l’Éloge de M. de Crébillon dont on a parlé, ne soit de M. de Voltaire. Il est fâcheux que ce grand homme ne puisse se guérir de la basse jalousie qu’on lui reproche si justement : il la marque dans cet ouvrage, au point de tronquer, de mutiler les vers du Sophocle français pour les rendre ridicules. C’est une chose aisée à vérifier par quiconque fera la comparaison. M. de Voltaire ne peut surtout digérer que son rival ait été imprimé au Louvre, tandis qu’il n’a pas encore joui de cet honneur.

30. — Il court dans le monde une plaisanterie de l’abbé de Voisenon. Il faut expliquer le fait. M. l’abbé de Boismont, le Mirebalais de l’Académie[2], ne paie point ses dettes. Un certain doyen de

  1. Voyez dans les Œuvres de Voltaire la facétie intitulée Relation de la maladie, de la confession, de la mort et de l’apparition du Jésuite Berthier. — R.
  2. Nicolas Thyrel de Boismont, né dans un village près de Rouen, vers 1715, mort à Paris le 20 décembre 1786. Il avait, en 1755, remplacé à l’Académie Française l’évêque Boyer. L’ardeur scandaleuse, pour nous servir de l’expression de Collé, avec laquelle la duchesse de Chaulnes sollicitait pour cet abbé, donna lieu à l’épigramme suivante adressée au docte corps :

    Prenez Déjà Livie en votre temple
    PreneÀ mis jadis un guerrier sans talens ;
    Aujourd’hui même encor Julie, à son exemple,
    Pousse un petit collet qu’elle a mis sur les dents.
    Prenez garde qu’enfin quelqu’autre Messaline,
    Prenez N’écoutant que ses intérêts,
    Prenez Pour confrère ne vous destine
    Prenez Un âne de Mirebalais.