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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 1 - 1762-1765 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/178

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AVRIL 1763

n’ait remis pleinement la dette au seigneur à qui elle a des obligations personnelles. Notre brutal se fait tirer l’oreille, et ne cède qu’aux instances du père de la fille, auquel il a lui-même de très-grandes obligations. Ces procédés généreux opèrent la conviction du noble : il finit par avouer que c’est dans de pareils sentimens que gît la grandeur véritable.

La pièce a une duplicité d’intrigue : les caractères en sont mal frappés, rentrant plusieurs les uns dans les autres ; le seul qui soit soutenu à un certain point est celui de l’oncle. Préville le joue supérieurement. Elle est en général mal écrite, avec dureté ; et les meilleures tirades, car il y en a, ont une teinte trop forte d’une amertume basse et ignoble.

22. — Les Comédiens Italiens ont donné hier la première représentation d’Apelle et Campaspe, comédie deux actes, mêlée d’ariettes.

Alexandre ayant entre ses mains une esclave nommée Campaspe, la plus belle personne de son siècle, voulut en faire tirer le portrait par Apelle. Celui-ci revoit en elle son ancienne maîtresse : le pinceau lui tombe des mains. Reconnaissance énergique ! Le roi survient, et les trouve très-coupables envers lui. Son ressentiment éclate : les deux amans lui avouent que c’est une passion rallumée. La générosité succède à l’indignation : Alexandre la remet entre les mains d’Apelle, et y renonce.

Ce sujet très-beau, et susceptible d’une touche noble, généreuse et pathétique, est absolument dégradé entre les mains du sieur Poinsinet : tout y est estropié, et il a essuyé une chute complète. En vain l’auteur avait tâché de capter la bienveillance du public par un com-