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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 1 - 1762-1765 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/177

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MÉMOIRES SECRETS

factice. C’est un voile ingénieux que M. de Mably emprunte pour dire des vérités salutaires.

19. — On a donné aujourd’hui la première représentation du Bienfait rendu, ou le Négociant, comédie en vers et en cinq actes, par M. Dampierre. C’est une satire amère et lourde de la noblesse et surtout des grands seigneurs. Un négociant de Bordeaux a obligé en différentes fois un homme de condition, son ami, au point que celui-ci se trouve endetté de cent mille écus. Ne pouvant en être payé, le marchand, qui a un peu de vanité dans la tête, imagine de faire épouser la fille de ce seigneur à son neveu, et d’éteindre une dette qui serait une source de procès. L’autre ne demandé pas mieux que de s’acquitter ainsi ; mais sa femme, son fils et sa fille, répugnent à une alliance dont ils ne connaissent pas le motif. Pour les mettre à la raison, il faut le déclarer ; ils y donnent les mains pour lors. Le jeune homme, amoureux d’une autre personne, voudrait fort se dégager : combats de différens côtés entre la vanité de ces nobles, l’amour du neveu et l’arrogance du créancier, qui menace toujours de redemander son argent si le mariage n’a pas lieu. La pièce se dénoue au moyen d’une ruse du jeune homme, qui fait prêter incognito la somme au seigneur pour qu’il soit maître de rembourser : il en profite avec la plus grande joie, son orgueil se trouve à son aise. Il n’y a que l’oncle qui enrage ; il fait des difficultés sur les papiers qu’on lui présente, il montre des soupçons : on est obligé de faire parler le notaire ; il déclare que c’est de son neveu qu’ils viennent. Cet arrangement n’entre point dans les vues du marchand, et M. le comte ne s’en tire que par le refus absolu que fait la jeune personne dont était amoureux la neveu, de l’épouser, que son oncle