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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 1 - 1762-1765 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/193

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MÉMOIRES SECRETS

à ce qu’il doit à ce second père, en faveur d’un monarque étranger, qui à vaincu, détruit, enchaîné sa nation : tels sont les personnages. En un mot, intérêt d’un roi qui cherche son fils, enlevé dès le berceau ; intérêt d’une nation qui veut conserver sa liberté contre l’oppression d’un vainqueur ; intérêt d’amour entre un sauvage prétendu et une princesse élevée à la cour ; intérêt en faveur d’un bon roi, qu’un prêtre désigné son successeur par lui-même veut assassiner.

Cette tragédie, généralement proscrite, était sur le point d’expirer de sa belle mort, quand un seul malheureux vers, applaudi d’abord pour son ridicule, ensuite exalté par les sots, a relevé ce drame écrasé, et en a fait la fortune :

Voilà l’homme civil, et voilà le sauvage[1]

dit un sauvage qui vient d’arracher un poignard qu’un grand-prêtre levait contre le fils du roi. Tel a été le ressort qui a remonté cette pièce détestable.

Un courrier est allé sur-le-champ annoncer à la cour le succès de cette tragédie, désignée pour être jouée à Choisy.

14. — On a donné hier à Choisy un opéra nouveau en trois actes, ayant pour titre Ismène et Isménias, paroles de M. Laujon, musique de M. de La Borde. On ne dit du bien ni du poète ni du musicien. Les ballets sont la partie de ce spectacle qui a été la plus exaltée. Géliotte a

  1. On lit ainsi ce vers dans la pièce imprimée :

    Voilà l’homme civil, reconnais le sauvage.

    L’auteur a fait disparaître à l’impression cet autre vers que sa bizarrerie a gravé dans toutes les mémoires :

    Crois-tu d’un tel forfait Manco-Capac capable ? — R.