Aller au contenu

Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 1 - 1762-1765 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
9
JANVIER 1762

reçut avec respect : elle fut lue avec admiration, et on pria M. de Voltaire de continuer à être le bienfaiteur de la compagnie. Ce n’est que quelque temps après que cette anecdote s’est divulguée ; on en a beaucoup ri, et l’on s’est rappelé plus que jamais la caricature[1] plaisante, où l’on peint ce tribunal sous l’emblème d’un certain nombre de bûches en coiffures ou en perruques.

8. — Nous allons rendre compte de l’état actuel de l’Opéra.

La haute-contre y est dans le plus grand délabrement. Pillot est le seul chanteur qu’ose avouer l’Opéra. Quel chanteur, encore ! quel successeur de Jéliotte ! Sans âme, sans figure, sans caractère, n’ayant pour lui qu’un peu d’organe. Gélin et Larrivée nous dédommagent dans la basse-taille : l’un a le timbre plus sonore, plus mâle ; l’autre plus onctueux, plus pathétique : tous deux sont acteurs, mais le dernier a sans contredit plus de feu, plus de naturel, plus d’aisance dans son jeu. C’est un homme d’un talent rare, et qui peut se promettre le plus grand succès.

En femmes, nous comptons mademoiselle Chevalier, mademoiselle Arnould et mademoiselle Le Mierre. La première jouit d’une réputation faite depuis long-temps, et l’excellence avec laquelle elle rend le rôle d’Armide est une preuve qu’elle peut encore acquérir. La seconde est, au gré des connaisseurs, l’actrice la plus naturelle, la plus onctueuse, la plus tendre qui ait encore paru. Elle est sortie telle des mains de la nature, et son début a été un triomphe. Qui ne serait enchanté de la méthode, du goût, du prestige avec lequel mademoiselle Le Mierre

  1. Dans les Mémoires de l’Académie des Colporteurs ; par Caylus.