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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 1 - 1762-1765 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/342

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SEPTEMBRE 1764

Jean Meslier, curé d’Étrépigny et de But, en Champagne, mort en 1723, âgé de cinquante-cinq ans, laisse trois copies, de sa main, d’un ouvrage contenant ses sentimens sur la religion. Sur le verso d’un papier qui servait d’enveloppe était écrit : « J’ai vu et connu les abus, les erreurs, les vanités, les folies et les méchancetés des hommes ; je les ai haïs et détestés ; je n’ai osé le dire pendant ma vie ; je le dirai au moins en mourant et après ma mort. C’est afin qu’on le sache que j’ai écrit le présent Mémoire, afin qu’il puisse servir de témoignage à la vérité à tous ceux qui le liront. »

Ce curé était de fort bonnes mœurs ; il ne lisait que la Bible, quelques Pères et des philosophes. On croit qu’il s’est laissé mourir de faim, n’ayant rien voulu prendre sur la fin de sa vie.

On a trouvé dans ses papiers, en imprimé, le Traité sur l’existence de Dieu et sur ses attributs, par M. de Fénélon, et les Réflexions du Père Tournemine, Jésuite, sur l’athéisme, et en marge il y a des notes et des réponses signées de sa main.

Il avait écrit deux lettres aux curés de son voisinage, pour leur faire part de ses sentimens. Il leur déclare qu’il a consigné au greffe de Sainte-Menehould, justice de sa paroisse, une copie de son écrit ; mais qu’il craint qu’on ne le supprime, suivant le mauvais usage établi d’empêcher que les peuples ne soient instruits et ne connaissent la vérité.

Un jour qu’il se trouvait à Paris, dans une compagnie où l’on parlait du nouveau Traité de la Religion fait par l’abbé Houtteville, un jeune libertin ayant voulu plaisanter : « Monsieur, lui dit le curé d’un ton sévère,