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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 1 - 1762-1765 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/374

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DÉCEMRE 1764

sa critique. On ne peut excuser le poète que par ce lieu commun, argument ordinaire de ses confrères, qu’une pièce de vers n’est pas un ouvrage théologique. Avec une pareille réponse on glisse ce qu’on veut. Cette Lettre est pleine de chaleur et d’un style énergique.

23. — On commence à exploiter fortement les mines littéraires allemandes. Un M. d’Antelmy, professeur à l’École Royale Militaire, vient de nous donner une traduction des Fables de M. Gothold Ephraïm Lessing, et de cinq Dissertations sur la nature de la fable[1]. Les idées de l’auteur allemand sur ce genre sont trop différentes des nôtres pour les adopter. Ces fables, pleines d’esprit et de sel en général, approchent plus de la manière de La Motte que celle d’aucun autre de nos fabulistes. Il y a des idées neuves, fines, philosophiques dans ses Dissertations ; mais il y règne une métaphysique fort déplacée dans un genre aussi simple, et surtout une pédanterie révoltante. On ne peut pardonner à cet Allemand son humeur contre les Italiens, les Français, et même ses compatriotes : on ne lui passe pas surtout ses critiques de La Fontaine. Au reste, il est curieux de voir sur cet article la façon de penser d’un étranger, et sa tournure d’esprit.

25. — On annonce dans le monde une nouvelle production de M. Rousseau de Geriève, les Lettres écrites de la Montagne. Cet ouvrage, magnifiquement imprimé en deux volumes, roule sur le gouvernement de Genève. On se doute bien que l’auteur y déploie toute son amertume contre une patrie ingrate à laquelle il a été obligé de renoncer. Il y fait en conséquence l’apologie de ses

  1. Paris, 1764, in-12. P. Th. d’Antelmy, né à Trigance, en Provence, le 14 septembre 1730, est mort le 7 janvier 1783. — R.