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AVRIL 1765

amertume le malheur de vous avoir manqué. Notre âme ne peut être plus affectée qu’elle l’est du tort réel que nous avons. Il n’est aucune satisfaction qu’on ne vous doive : nous attendons avec soumission les peines qu’on voudra bien nous imposer, et qui ont été déjà imposées à plusieurs de nos camarades. Notre repentir est sincère. Ce qui ajoute encore à nos regrets, c’est d’être forcés de renfermer au fond de notre cœur les sentimens de zèle, d’attachement et de respect que nous vous devons, qui doivent vous paraître suspects dans ce moment-ci. C’est par nos soins et par les efforts que nous ferons pour contribuer à vos amusemens, que nous espérons vous ôter jusqu’au moindre souvenir de notre faute, et c’est des bontés et de l’indulgence dont vous nous avez tant de fois honorés, que nous attendons la grâce que nous vous demandons, et que nous vous supplions de nous accorder.

20. — Molé et Brizard sont sortis aujourd’hui de leur prison pour jouer dans le Glorieux et Zénéide.

On ne peut qu’attribuer à une cabale gagée par eux les applaudissemens multipliés avec lesquels ils ont été reçus. Leur insolence s’en est accrue, et l’on ne peut rendre l’indignation qu’a causée aux gens comme il faut ce contraste révoltant.

Quant à mademoiselle Clairon, elle convertit en triomphe une disgrâce qui devrait l’humilier. Elle a été conduite au Fort-l’Évêque par madame Berthier de Sauvigny, l’intendante de Paris ; et l’exempt n’ayant point voulu lâcher sa proie, il est monté dans le vis-à-vis de cette dame, qui a pris mademoiselle Clairon sur ses genoux, tandis que l’alguazil s’est assis sur le devant. On