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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 1 - 1762-1765 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/490

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DÉCEMBRE 1765

28. — Il court une lettre très-singulière du roi de Prusse au célèbre J.-J. Rousseau[1]. Si elle est authentique, elle peut expliquer les motifs du changement de ce philosophe sur le lieu de sa retraite. Voici l’épître attribuée au Salomon du Nord.

« Vous avez renoncé à Genève, votre patrie ; vous vous êtes fait chasser de la Suisse, pays tant vanté dans vos écrits ; la France vous a décrété : venez donc chez moi. J’admire vos talens, je m’amuse de vos rêveries qui, soit dit en passant, vous occupent trop et trop long-temps. Il faut, à la fin, être sage et heureux. Vous avez fait assez parler de vous par des singularités peu convenables à un véritable grand homme. Démontrez à vos ennemis que vous pouvez quelquefois avoir le sens commun : cela les fâchera sans vous faire tort. Mes États vous offrent une retraite paisible : je vous veux du bien, et je vous en ferai, si vous le trouvez bon. Mais si vous vous obstinez à rejeter mes secours, attendez-vous que je ne le dirai à personne. Si vous persistez à vous creuser l’esprit pour trouver de nouveaux malheurs, choisissez-les tels que vous voudrez. Je suis roi, je puis vous en procurer au gré de vos souhaits ; et, ce qui sûrement ne vous arrivera pas vis-à-vis de vos ennemis, je cesserai de vous persécuter quand vous cesserez de mettre votre gloire à l’être. »

29. — M. l’abbé Morellet vient de nous donner une traduction du traité Des Délits et des peines. On a déjà dit[2] que la Société de Berne avait décerné un prix de

  1. Cette lettre a été composée par Horace Walpole, connu par sa correspondance avec madame Du Deffand. Il était fils du célèbre ministre du roi d’Angleterre Georges II. V. 4 juin 1766. — R.
  2. V. 8 novembre 1765. — R.