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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 1 - 1762-1765 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/76

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AVRIL 1762

les vignes de Clairvaux soient très-peu de chose ; mais possédant quarante mille arpens de bois, il est très en état de faire construire de bons navires.

Il sera imité par les Chartreux, qui voulaient même le prévenir, attendu qu’ils mangent la meilleure marée, et qu’il est de leur intérêt que la mer soit libre. Ils ont trois millions de rentes en France pour faire venir des turbots et des soles : on dit qu’ils donneront trois beaux vaisseaux de ligne.

Les Prémontrés et les Carmes, qui sont aussi nécessaires dans un État que les Chartreux, et qui sont aussi riches qu’eux, se proposent de fournir le même contingent. Les autres moines donneront à proportion. On est si assuré de cette oblation volontaire de tous les moines, qu’il est évident qu’il faudrait les regarder comme ennemis de la patrie, s’ils ne s’acquittaient pas de ce devoir.

Les Juifs de Bordeaux se sont cotisés ; les moines, qui valent bien des Juifs, seront jaloux sans doute de maintenir la supériorité de la nouvelle loi sur l’ancienne.

Pour les pères Jésuites, on n’estime pas qu’ils doivent se saigner en cette occasion, attendu que la France va être incessamment purgée desdits pères.

P. S. Comme la France manque un peu de gens de mer, le prieur des Célestins a proposé aux abbés réguliers, prieurs, sous-prieurs, recteurs, supérieurs qui fourniront ces vaisseaux, d’envoyer leurs novices servir de mousses, et leurs profès servir de matelots. Ledit Célestin a démontré dans un beau discours combien il est contraire à l’esprit de charité de ne songer qu’à faire son salut quand on doit s’occuper de celui de l’État. Ce discours a fait un grand effet, et tous les chapitres, délibéraient encore au départ de la poste.