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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 1 - 1762-1765 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/98

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JUILLET 1762

Sancho Pança dans son île, opéra bouffon, de M. Poinsinet le jeune, joué aujourd’hui pour la première fois, n’a pas eu le succès qu’on s’en promettait. On l’a jugé trop sévèrement, en exigeant dans une farce de ce genre l’esprit et la finesse d’un drame plus délicat. On trouve mauvais que Sanclio débite tant de proverbes, qu’il soit gourmand, etc. Il est aisé de juger de là quelle espèce de connaisseurs décide ainsi. Quant à la musique, elle est toujours dans un goût pittoresque, mais elle rentre dans les autres ouvrages de Philidor, et démontre à merveille les bornes du genre. La nature inanimée ne peut se varier, se nuancer à l’infini comme les passions que caractérise la grande musique.

9 — On ne peut se refuser à consigner un bon mot du roi, qui caractérise également l’excellence de son esprit et de son cœur.

S. M. étant allée voir les nouveaux bureaux de la guerre, il y a quelques jours, entra partout, et dans celui de M. Dubois ayant trouvé une paire de lunettes, mit la main dessus : « Voyons, dit le roi, si elles valent celles dont je me sers. » Un papier, apprêté exprès, suivant les apparences, se trouva sous sa main. C’était une lettre dans laquelle entrait un éloge pompeux du monarque et de son ministre, le duc de Choiseul ; S. M. rejetant avec précipitation les lunettes, dit : « Elles ne sont pas meilleures que les miennes, elles grossissent trop les objets. »

10. — On ne cesse de parler par tout Paris de la farce de Saint-Jean-de-Latran[1] ; on en rit beaucoup. Les

    paru à Genève une lettre fort séditieuse en faveur de M. Rousseau et contre M. de Voltaire. Ne serait-ce point cet écrit qui aurait donné lieu à la fermentation dont il est ici question. — R.

  1. 6 juillet 1762. — R.