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Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/101

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UN SOUPER CHEZ UN SEIGNEUR CANADIEN.

qui avait fait disparaître les derniers vestiges de neige et de glace. Ce fut bien pis, lorsqu’engagés dans le chemin qui traversait alors la savane du Cap Saint-Ignace (l), ils s’enfoncèrent souvent jusqu’aux genoux, et qu’il leur fallut dépêtrer le cheval qui s’embourbait jusqu’au ventre. Jules, le plus impatient des trois, répétait sans cesse :

— Si j’eusse commandé au temps, nous n’aurions pas eu cette pluie de tous les diables qui a converti les chemins en autant de marécages !

S’apercevant enfin que José branlait à chaque fois la tête d’un air mécontent, il lui en demanda la raison.

— Ah ! dame ! voyez-vous, M. Jules, dit José, je ne suis qu’un pauvre ignorant sans inducation ; mais je pense, à part moi, que si vous aviez eu le temps dans la main, nous n’en serions guère mieux : témoin ce qui est arrivé à Davi (David) Larouche.

— Tu nous conteras l’aventure de Davi Larouche, dit Jules, quand nous aurons passé cette maudite savane dont j’ai bien de la peine à me dépêtrer ; privé que je suis de l’avantage de jambes, ou pattes de héron, dont est gratifié ce superbe Écossais qui marche devant nous en sifflant une pibroch, musique digne des chemins où nous nous perdons.

— Combien donnerais-tu, dit Arché, pour échanger tes jambes françaises de pygmée contre celles du superbe montagnard ?

— Garde tes jambes, fit Jules, pour la première retraite un peu précipitée que tu feras devant l’ennemi.

La savane enfin franchie, les jeunes gens demandèrent l’histoire de José.

— Il est bon de vous dire, fit celui-ci, qu’un nommé