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Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/364

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LES ANCIENS CANADIENS.

Noël ? Le sorcier, toujours peu au fait de notre calendrier, ne sait que répondre et s’empresse de faire la même question à son interlocuteur. Malheur alors au voyageur s’il hésite seulement à répondre catégoriquement ! C’est un pauvre diable bien à plaindre entre les mains d’un sorcier aussi malfaisant !

Les enfants autrefois dans les campagnes ne manquaient pas de s’informer, aussitôt qu’ils commençaient à balbutier, du quantième de Noël, crainte de faire la rencontre d’un feu-follet. Ceux qui avaient la mémoire ingrate faisaient la même question vingt fois par jour. Le second moyen, encore plus infaillible que le premier, est de mettre en croix deux objets quelconques que le feu follet, toujours mauvais chrétien, ne peut franchir.

Ceci me rappelle une anecdote connue dans ma jeunesse. Plusieurs jeunes gens, retournant chez eux fort tard après une veillée, aperçurent tout à coup un feu follet qui, sortant d’un petit bois, venait à leur rencontre. Chacun s’empresse de mettre en croix au milieu du chemin tous les objets qu’il avait dans sa poche : couteaux, sac à tabac, pipes &c. ; nos jeunes gens rebroussent ensuite chemin en se sauvant d’abord à toutes jambes. Ils se retournent néanmoins à une distance respectueuse et aperçoivent le feu-follet qui, après avoir voltigé longtemps autour des objets qu’ils avaient déposés, s’enfonçait de nouveau dans le bois, d’où il était sorti.

Il y eut alors une longue discussion entre les jeunes gens.

— Je ne demande pas mieux que de m’en retourner chez nous, disait Baptiste, si François veut passer le premier.

— Non ! répondait François ; passe, toi, José, qui est le plus vieux.

— Pas si fou ! disait José : que Tintin (Augustin) nous donne l’exemple, et nous le suivrons.

Nos braves seraient encore probablement à la même place, si le Nestor de la bande n’eût proposé l’expédiant de se tenir tous par la main, et d’avancer comme font les soldares en ligne de bataille. Cette proposition fut adoptée ; mais, hélas ! il ne restait plus rien de leurs dépouilles ! le feu follet avait tout emporté. Il est probable qu’un rusé farceur avait voulu hacher son tabac et fumer sa pipe à leurs dépens.


CHAPITRE QUATRIÈME.


(a) Anachronisme : la Corriveau ne fut exposée dans une cage de fer qu’après le 15 avril 1763, ainsi qu’il appert par un jugement d’une cour martiale en date de ce jour.

Trois ans après la conquête du pays, c’est-à-dire en 1763, un meurtre atroce eut lieu dans la paroisse de Saint-Valier, district de Québec ; et quoiqu’il se soit bientôt écoulé un siècle depuis ce tragique événement, le souvenir s’en est néanmoins conservé jusqu’à nos jours, entouré d’une foule de contes fantastiques qui lui donnent tout le caractère d’une légende.

En novembre 1749, une femme du nom de Corriveau se maria à un cultivateur de Saint-Valier.