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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/317

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— C’est vraiment dommage, répliquai-je, que les questions de loi ne soient pas de la compétence des petits jurés : c’est sans doute un oubli des législateurs. N’importe ; j’admire beaucoup les saillies de mon ami Plamondon, mais mon admiration est à son comble quand il lui arrive de parler sensément.

— C’est toujours un avantage que bien d’autres n’ont pas que de parler avec bon sens quelquefois ; et j’en demande acte, fit Plamondon.

— Accordé, dis-je, pour la nouveauté du fait. Mais revenons à nos moutons. Ce que vous venez d’observer semble certainement avoir plus de bon sens que tout ce que j’ai entendu à cet égard. Supposons, en effet, que quatorze personnes, sans intérêt aucun, soient témoins oculaires d’un acte quelconque ; que douze rapportent les faits d’une façon, et les deux autres d’une manière différente, j’ajouterai certainement plus de foi au témoignage de douze paires d’yeux qu’à celui de deux seulement, pourvu toujours que les témoins aient été placés aussi avantageusement les uns que les autres, sans cela deux témoins peuvent avoir raison contre douze. Mais quand il s’agit de qualités morales, de jugement, de discernement, je suis votre très humble serviteur, je m’en tiendrai plutôt à la décision de deux juges sur des témoignages rendus en leur présence qu’ils ont écrit mot à mot, qu’à celui de cinquante jurés honnêtes, sans doute, mais sans éducation. D’ailleurs, s’il vous faut douze hommes pour juger un fait, pourquoi ne pas nommer douze juges ; il ne s’agira après tout que d’agrandir le banc sur lequel ils siègent, et