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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/318

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de laisser ces braves soixante-quinze jurés vaquer à leurs affaires, et vous aurez bien mérité du pays.

— Je me rétracte, reprit Plamondon ; Gaspé parle comme un ange ! Douze juges sur le banc de Québec ! Quelle glorieuse perspective pour le barreau !

Mais revenons au sieur C*** que j’ai laissé aux prises avec les juges et les jurés. Il sera condamné à mort, mais n’en soyez pas en peine : ce n’est que la cinquième fois que ce petit malheur va lui arriver ; il aura encore le plaisir d’entendre prononcer trois autres sentences semblables, n’en sera que plus vivace, et ira finir ses jours en paix à Botany Bay. Comment se fait-il qu’à une époque où l’on pendait régulièrement trois à quatre personnes pour grand larcin, chaque année, il ait échappé à la potence ? c’est ce que je ne puis résoudre. Ce n’était jamais le tour de sieur C***. Son confesseur l’a préparé à la mort six à sept fois, sans le guérir de ses propensités pour le larcin. Il ne devait avoir que peu de repentir, étant sous l’impression qu’un homme qui avait nom Joseph ne pouvait mourir par la corde : c’était un excès de confiance dans son saint patron. C*** n’était pas un méchant homme ; et si on l’eût laissé faire, il aurait coulé une vie tranquille et heureuse au milieu de concitoyens dont il ne se plaignait qu’avec douceur.

Il était fouetté assez régulièrement, tous les six mois, pour vol, lié à un poteau sur le marché de la haute-ville de Québec, mais comme la peau du larron avait fini par s’endurcir comme le cuir d’un rhinocéros, il subissait ce châtiment d’une manière assez stoïque.