Aller au contenu

Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/342

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

garde de la cité de Québec, dans laquelle il ne restait que peu de troupes régulières, aux miliciens de la ville. Le capitaine Bedard était un des plus zélés d’entre nous, et s’acquittait avec une précision géométrique des devoirs militaires, si nouveaux pour un homme de son âge et de ses habitudes.

La garde de la citadelle était toujours confiée à un capitaine ; celui-ci tenait toujours une bonne table, et surtout bien garnie d’excellentes liqueurs auxquelles les officiers qui faisaient les rondes, surtout celles de la nuit, ne manquaient jamais de rendre hommage. J’étais de garde sur le Cap pendant une nuit de trente-six degrés Réaumur, froid assez commun pendant le mois de janvier à cette époque, lorsque le capitaine Bedard vint visiter mon poste : il était transi de froid et je le pressai d’entrer dans ma chambre au corps de garde pour se réchauffer à l’aide de stimulants, mais toutes mes instances furent inutiles. J’eus beau lui représenter que les officiers de l’armée anglaise, majors et colonels, ne croyaient pas manquer à la discipline militaire en acceptant une semblable invitation, il demeura inflexible ; s’en tenant à la lettre de ses instructions qui lui enjoignaient de faire les rondes, mais rien de plus.

Les officiers de l’armée anglaise s’amusaient un peu des rapports que faisait le capitaine Bedard lorsqu’il sortait de garde ; et prétendaient qu’il y avait un peu de tout dans ses rapports : du français, du latin, voire même de l’algèbre, oui, de tout, excepté de l’anglais. Mais on lui passait ses petites excentricités, car l’entente