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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/410

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teur ; j’enfonçais à chaque pas au moins huit pouces au-dessus de mes raquettes, et la neige continuait toujours à tomber. J’entends tout à coup un frémissement au-dessus de ma tête ; je crus d’abord que c’était un jibou (hibou), mais ça haltait (soufflait) comme un petit animal très-fatigué. C’est drôle, que je me dis, que les oiseaux du nord haltent comme des bêtes à quatre pattes. Je fus bien vite tiré de mon embarras quand j’entendis des bruits de chaînes, et des chiens japper comme des enragés, et puis une voix d’homme qui criait : pille ! pille ! chouquece ! chouquece ! et tout passa dans le ciel comme une vision. Les cheveux me vinrent à pic sur la tête, et avant que j’eusse rattrapé mon bonnet, il était tombé dans mon capuchon. C’est bien vrai ce que je vous dis là.

— Je vous crois, père Romain, m’écriai-je, car, moi aussi, je vois bien que j’ai entendu la chasse-galerie : je sortis le soir à la porte, étant enfant, et j’entendis des bruits de chaînes qui s’entrechoquaient ; j’entrai tout effrayé dans la maison et je dis que je venais d’entendre la chasse-galerie. Mais mon père me dit que j’étais un sot, que c’était le bruit des entraves de fer, que votre frère Julien mettait à un de ses chevaux, que j’avais entendu.

— Ah ! dam ! ce que vous me dites du défunt monsieur, ne me surprend pas ; je lui contai un jour que j’avais rencontré un loup-garou qui avait une queue longue d’au moins trois quarts de lieue et il me rit au nez en me disant : tu es un imbécile mon pauvre Romain.

— C’était pourtant une queue d’une belle dimension,