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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/411

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et que mon père aurait traiter avec plus de respect ; mais, de grâce, contez-nous votre rencontre avec ce loup-garou orné d’une queue si formidable.

— Écoutez, M. Philippe, vous verrez que si je mens quant à la longueur de la queue, c’est la faute de votre ancien meunier de Trois Saumons : et vous savez que c’était un homme en règle (comme il faut). Un homme escrupuleux dans tout ce qu’il disait et faisait :

Je sortais de chez notre curé, le défunt M. Faucher ; s’il était encore vivant il vous le dirait lui-même, — pour lui recommander le service de l’enterrement de mon voisin Pierriche Moreau qui venait de mourir. Il pouvait être huit heures, et quoique la lune ne fût pas levée, il faisait joliment clair. J’avais à peine laissé le terrain de l’église qu’un homme marchant à grands pas passe auprès de moi : tiens, dis-je en moi-même, voilà une heureuse rencontre : quand on a veillé un mort on est toujours frissonneux seul pendant la nuit, un compagnon de route n’est pas alors de refus. J’avais près de deux lieues à faire pour me rendre chez moi et j’étais à pied : ma guevalle (cavalle) était estropiée et mon jack (cheval américain) était à moitié rendu à force de travail.

— Bonsoir, l’ami, que je lui criai : vous passez bien fier.

Motus ; point de réponse. Je crus qu’il était sourd et je donne après lui, mais il marchait comme si le diable l’eût emporté. J’ai pourtant couru l’orignal, comme vous savez, mais les orignaux n’étaient que des sots auprès de l’homme habillé en gris.

Un petit bout de temps après, je sens quelque chose