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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/462

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Figaro ! on ne fait pas mieux à Paris ! » Et ce furent des hurrahs pour Salaberry à n’en plus finir.

Heureux temps où tout le monde se connaissait dans notre bonne ville de Québec ! Heureux temps où même au théâtre, on était encore en famille ! Où un gentilhomme universellement aimé pouvait sans inconvenance interrompre une pièce et être applaudi du public.

Plus de trente ans après cette scène, le duc de Richmond, arrivé récemment au Canada en qualité de Gouverneur, donnait une soirée, afin que les dames lui fussent présentées ; et monsieur de Salaberry, alors très-âgé, jugea, sans doute, qu’il ne pouvait faire moins pour un prince, que de se présenter au château Saint-Louis en costume de la cour de Louis XVI. J’arrivais avec ma femme, lorsque notre ami M. Juchereau Duchesnay nous dit dans l’antichambre : il se passe une scène assez plaisante là-haut : mon beau-père a eu l’idée de revêtir les habits qu’il portait lorsqu’il fut présenté à la cour de France ; et comme le duc, que peu de personnes connaissent, n’a pas encore fait son entrée dans le salon, presque tous ceux qui passent devant lui, trompés par la richesse du costume, lui font, les messieurs un profond salut et les dames une profonde révérence, que monsieur de Salaberry leur rend avec la dignité d’un prince.

Quant à monsieur de Salaberry, qui avait la vue très basse, qui était si universellement aimé et respecté, il est assez naturel qu’il ne s’aperçût pas de la méprise ; et je dois avouer que sans l’avis préalable de mon ami monsieur Juchereau Duchesnay, je l’aurais salué moi-