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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/463

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même croyant rendre hommage au nouveau gouverneur.

La mine du gentilhomme canadien était bien aussi noble, aussi imposante quel celle du duc de Richmond, mais là s’arrêtait la ressemblance physique. Le duc d’une taille plus élevée, à la charpente osseuse et musculaire, à l’air froid, sévère et morose, me rappela, lorsqu’il fit son entrée dans le salon, les vers de Voltaire :

« Le Richmond qui porte un cœur de fer,
................................... »

Ceux qui ont lu sa vie, savent s’il était vraiment l’homme au cœur de fer.

Une autre idée me frappa aussitôt ; c’est que jamais preux, dans les temps de chevalerie, n’aurait revêtu l’armure avec plus d’aisance et porté de plus terribles coups à ses ennemis que le duc de Richmond.

L’impression que faisait monsieur de Salaberry était différente ; la largeur de ses épaules, qu’aurait enviée un Milon de Crotone, diminuait l’avantage de sa haute taille, et la massue semblait l’arme redoutable qui convenait à son bras d’Hercule.

Le type des aïeux s’était admirablement conservé dans ces deux hommes. Ils conversèrent longtemps ensemble vers la fin de la soirée. Nous fîmes cercle à distance respectueuse, et j’entendis le duc répéter deux à trois fois : « Ce coquin de Buonaparte (un anglais ajoutait toujours, alors, un mot injurieux en prononçant le nom du géant enchaîné sur le rocher de Sainte-Hélène) ce coquin de Buonaparte m’a volé mes orangers. » Il faisait, je suppose, allusion à des orangers de son duché d’Aubigny. Leur conversation était en fran-