Aller au contenu

Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/537

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La famille Taché a toujours été douée de beaucoup d’esprit, mais il fallait bien connaître les deux souches dont j’ai parlé pour les apprécier à leur juste mérite, car Messieurs Charles et Paschal Taché étaient certainement les hommes les plus distraits que j’aie connus. Une discussion s’engage, un des Messieurs Taché y prend d’abord une part assez vive et puis se tait tout-à-coup : les arguments continuent pendant un certain temps ; on change de sujet, on parle de la pluie et du beau temps et à l’expiration quelquefois d’une vingtaine de minutes, Monsieur Taché qui n’a rien entendu, reprend la discussion au point où il l’a laissée à la grande surprise ainsi qu’à l’amusement de ses amis. On racontait mille traits de la distraction des deux frères.

À propos de distraction, il en est une d’un ancien citoyen de la ville de Québec qui a bien amusé nos aïeux. Monsieur A. déjà sur le retour avait pour habitude, aussitôt qu’il était habillé le matin d’aller rendre visite, en attendant le déjeuner, à son vieil ami Monsieur B, son voisin, dont la maison n’était séparée de la sienne que par la rue. Un bon matin, pendant l’été, je suppose, il se lève, met ses bas et ses souliers, peut-être sa robe de chambre, mais quant à ses culottes, il les prend tranquillement sous un de ses bras, traverse la rue probablement déserte, s’installe sans façon dans la chambre accoutumée du voisin ; et là, bien et dûment assis dans un bon fauteuil, il commençait à passer ses culottes, quand madame B…… entrant à l’improviste lui crie en fermant les yeux, mais tout en éclatant de rire : « Eh ! eh ! voisin ! vous serait-il égal de faire une autre fois