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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/176

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laire, ce sont choses qui ne sont pas en nous, mais ou en nos prédécesseurs, ou en l’estime d’autrui. Il y en a qui se rendent fiers et morgants pour être sur un bon cheval, pour avoir un panache en leur chapeau, pour être habillés somptueusement ; mais qui ne voit cette folie ? car s’il y a de la gloire pour cela, elle est pour le cheval, pour l’oiseau et pour le tailleur ; et quelle lâcheté de courage est-ce d’emprunter son estime d’un cheval, d’une plume, d’un goderon ? Les autres se prisent et regardent, pour des moustaches relevées, pour une barbe bien peignée, pour des cheveux crêpés, pour des mains douillettes, pour savoir danser, jouer, chanter ; mais ne sont-ils pas lâches de courage, de vouloir enchérir leur valeur et donner du surcroît à leur réputation par des choses si frivoles et folâtres ? Les autres, pour un peu de science, veulent être honorés et respectés du monde, comme si chacun devait aller à l’école chez eux et les tenir pour maîtres : c’est pourquoi on les appelle pédants. Les autres se pavonnent sur la considération de leur beauté, et croient que tout le monde les muguette. Tout cela est extrêmement vain, sot et impertinent, et la gloire qu’on prend de si faibles sujets s’appelle vaine, sotte et frivole.

On connaît le vrai bien comme le vrai baume : on fait l’essai du baume en le distillant dedans l’eau, car s’il va au fond et qu’il prenne le dessous, il est jugé pour être du plus fin et précieux. Ainsi, pour connaître si un homme est vraiment sage, savant, généreux, noble, il faut voir si ses biens tendent à l’humilité, modestie et soumission, car alors ce seront des vrais biens ; mais s’ils surnagent et qu’ils veuillent paraître, ce seront des