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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/177

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biens d’autant moins véritables qu’ils seront plus apparents. Les perles qui sont conçues ou nourries au vent et au bruit des tonnerres n’ont que l’écorce de perles, et sont vides de substance ; et ainsi les vertus et belles qualités des hommes qui sont reçues et nourries en l’orgueil, en la ventance et en la vanité, n’ont qu’une simple apparence du bien, sans suc, sans moelle et sans solidité.

Les honneurs, les rangs, les dignités, sont comme le safran, qui se porte mieux et vient plus abondamment d’être foulé aux pieds. Ce n’est plus honneur d’être beau, quand on s’en regarde : la beauté pour avoir bonne grâce doit être négligée ; la science nous déshonore quand elle nous enfle et qu’elle dégénère en pédanterie. Si nous sommes pointilleux pour les rangs, pour les séances[1], pour les titres, outre que nous exposons nos qualités à l’examen, à l’enquête et à la contradiction, nous les rendons viles et abjectes ; car l’honneur qui est beau étant reçu en don, devient vilain quand il est exigé, recherché et demandé. Quand le paon fait sa roue pour se voir, en levant ses belles plumes, il se hérisse de tout le reste, et montre de part et d’autre ce qu’il a d’infâme ; les fleurs qui sont belles, plantées en terre, flétrissent étant maniées. Et comme ceux qui odorent la mandragore de loin et en passant reçoivent beaucoup de suavité, mais ceux qui la sentent de près et longuement en deviennent assoupis et malades, ainsi les honneurs rendent une douce

  1. Ici, séance = droit de prendre place dans une compagnie réglée. (Littré)