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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/179

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CHAPITRE V

DE L’HUMILITÉ PLUS INTÉRIEURE


Mais vous désirez, Philothée, que je vous conduise plus avant en l’humilité ; car à faire comme j’ai dit, c’est quasi plutôt sagesse qu’humilité ; maintenant donc je passe outre. Plusieurs ne veulent ni n’osent penser et considérer les grâces que Dieu leur a faites en particulier, de peur de prendre de la vaine gloire et complaisance, en quoi certes ils se trompent ; car puisque, comme dit le grand Docteur Angélique, le vrai moyen d’atteindre à l’amour de Dieu, c’est la considération de ses bienfaits, plus nous les connaîtrons, plus nous l’aimerons ; et comme les bénéfices particuliers émeuvent plus puissamment que les communs, aussi doivent-ils être considérés plus attentivement.

Certes, rien ne peut tant humilier devant la miséricorde de Dieu que la multitude de ses bienfaits, ni rien tant humilier devant sa justice, que la multitude de nos méfaits. Considérons ce qu’il a fait pour nous et ce que nous avons fait contre lui ; et comme nous considérons par le menu nos péchés, considérons aussi par le menu ses grâces. Il ne faut pas craindre que la connaissance de ce qu’il a mis en nous nous enfle, pourvu que nous soyons attentifs à cette vérité, que ce qui est de bon en nous n’est pas de nous. Hélas, les mulets laissent-ils d’être lourdes et puantes bêtes, pour être chargés des meubles précieux