Aller au contenu

Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas que l’on oublie l’abjection laquelle j’en ai reçue. Si j’ai fait une chose qui n’offense personne, je ne m’en excuserai pas, parce qu’encore que ce soit un défaut, si est-ce qu’il n’est pas permanent ; je ne pourrais donc m’en excuser que pour l’abjection qui m’en revient ; or c’est cela que l’humilité ne peut permettre : mais si par mégarde ou par sottise j’ai offensé ou scandalisé quelqu’un, je réparerai l’offense par quelque véritable excuse, d’autant que le mal est permanent et que la charité m’oblige de l’effacer. Au demeurant, il arrive quelquefois que la charité requiert que nous remédiions à l’abjection pour le bien du prochain, auquel notre réputation est nécessaire ; mais en ce cas-là, ôtant notre abjection de devant les yeux du prochain pour empêcher son scandale, il la faut serrer et cacher dedans notre cœur afin qu’il s’en édifie.

Mais vous voulez savoir, Philothée, quelles sont les meilleures abjections ; et je vous dis clairement que les plus profitables à l’âme et agréables à Dieu sont celles que nous avons par accident ou par la condition de notre vie, parce que nous ne les avons pas choisies, ains les avons reçues telles que Dieu nous les a envoyées, duquel l’élection est toujours meilleure que la nôtre. Que s’il en fallait choisir, les plus grandes sont les meilleures ; et celles-là sont estimées les plus grandes qui sont plus contraires à nos inclinations, pourvu qu’elles soient conformes à notre vacation ; car, pour le dire une fois pour toutes, notre choix et élection gâte et amoindrit presque toutes nos vertus. Ah ! qui nous fera la grâce de pouvoir dire avec ce grand roi : « J’ai choisi d’être abject en la maison de Dieu, plutôt que d’habiter ès tabernacles des