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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/192

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La réputation n’est que comme une enseigne qui fait connaître où la venu loge ; la vertu doit donc être en tout et partout préférée. C’est pourquoi, si l’on dit : vous êtes un hypocrite, parce que vous vous rangez à la dévotion ; si l’on vous tient pour homme de bas courage parce que vous avez pardonné l’injure, moquez-vous de tout cela. Car, outre que tels jugements se font par des niaises et sottes gens, quand on devrait perdre la renommée, si ne faudrait-il pas quitter la vertu ni se détourner du chemin d’icelle, d’autant qu’il faut préférer le fruit aux feuilles, c’est-à-dire le bien intérieur et spirituel à tous les biens extérieurs. Il faut être jaloux, mais non pas idolâtres de notre renommée ; et comme il ne faut offenser l’œil des bons, aussi ne faut-il pas vouloir contenter celui des malins. La barbe est un ornement au visage de l’homme, et les cheveux à celui de la femme : si on arrache du tout le poil du menton et les cheveux de la tête, malaisément pourra-t-il jamais revenir ; mais si on le coupe seulement, voire, qu’on le rase, il recroîtra bientôt après et reviendra plus fort et touffu. Ainsi, bien que la renommée soit coupée, ou même tout à fait rasée par la langue des médisants, « qui est, dit David, comme un rasoir affilé », il ne se faut point inquiéter, car bientôt elle renaîtra non seulement aussi belle qu’elle était, ains encore plus solide. Mais si nos vices, nos lâchetés, notre mauvaise vie nous ôte la réputation, il sera malaisé que jamais elle revienne, parce que la racine en est arrachée. Or, la racine de la renommée, c’est la bonté et la probité, laquelle tandis qu’elle est en nous peut toujours reproduire l’honneur qui lui est dû.

Il faut quitter cette vaine conversation, cette inutile