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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/193

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pratique, cette amitié frivole, cette hantise folâtre, si cela nuit à la renommée, car la renommée vaut mieux que toutes sortes de vains contentements ; mais si pour l’exercice de piété, pour l’avancement en la dévotion et acheminement au bien éternel on murmure, on gronde, on calomnie, laissons aboyer les mâtins contre la lune ; (car s’ils peuvent exciter quelque mauvaise opinion contre notre réputation, et par ainsi couper et raser les cheveux et la barbe de notre renommée, bientôt elle renaîtra, et le rasoir de la médisance servira à notre honneur, comme la serpe à la vigne, qu’elle fait abonder et multiplier en fruits.

Ayons toujours les yeux sur Jésus-Christ crucifié ; marchons en son service avec confiance et simplicité, mais sagement et discrètement : il sera le protecteur de notre renommée, et s’il permet qu’elle nous soit ôtée, ce sera pour nous en rendre une meilleure, ou pour nous faire profiter en la sainte humilité, de laquelle une seule once vaut mieux que mille livres d’honneur. Si on nous blâme injustement, opposons paisiblement la vérité à la calomnie ; si elle persévère, persévérons à nous humilier : remettant ainsi notre réputation avec notre âme ès mains de Dieu, nous ne saurions la mieux assurer. Servons Dieu « par la bonne et mauvaise renommée », à l’exemple de saint Paul, afin que nous puissions dire avec David : « O mon Dieu, c’est pour vous que j’ai supporté l’opprobre et que la confusion a couvert mon visage ». J’excepte néanmoins certains crimes si atroces et infâmes, que nul n’en doit souffrir la calomnie quand il se peut justement décharger, et certaines personnes de la bonne réputation desquelles dépend l’édification de plusieurs ; car en ce cas, il faut tranquillement poursuivre la réparation du tort reçu, suivant l’avis des théologiens.