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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/219

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Si vous désirez longuement, ardemment et avec inquiétude les biens que vous n’avez pas, vous avez beau dire que vous ne les voulez pas avoir injustement, car pour cela vous ne laisserez pas d’être vraiment avare. Celui qui désire ardemment, longuement et avec inquiétude de boire, quoiqu’il ne veuille pas boire que de l’eau, si témoigne-t-il d’avoir la fièvre.

O Philothée ! je ne sais si c’est un désir juste de désirer d’avoir justement, ce qu’un autre possède justement : îcar il semble que par ce désir nous nous voulons accommoder par l’incommodité d’autrui. Celui qui possède un bien justement, n’a-t-il pas plus de raison de le garder justement, que nous de le vouloir avoir justement ? et pourquoi donc étendons-nous notre désir sur sa commodité pour l’en priver ? Tout au plus si ce désir est juste, certes, il n’est pas pourtant charitable ; car nous ne voudrions nullement qu’aucun désirât, quoique justement, ce que nous voulons garder justement. Ce fut le péché d’Achab qui voulut avoir justement la vigne de Naboth, qui la voulait encore plus justement garder : il la désira ardemment, longuement et avec inquiétude, et partant il offensa Dieu.

Attendez, chère Philothée, de désirer le bien du prochain quand il commencera à désirer de s’en défaire ; car lors son désir rendra le vôtre non seulement juste, mais charitable : oui, car je veux bien que vous ayez soin d’accroître vos moyens et facultés, pourvu que ce soit non seulement justement, mais doucement et charitablement.

Si vous affectionnez fort les biens que vous avez, si vous en êtes fort embesognée, mettant votre cœur en