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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/223

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Soyez pauvre de langue avec eux, leur parlant comme leur compagne ; mais soyez riche des mains, leur départant de vos biens, comme plus abondante[1].

Voulez-vous faire encore davantage, ma Philothée ? ne vous contentez-pas d’être pauvre comme les pauvres, mais soyez plus pauvre que les pauvres. Et comment cela ? « Le serviteur est moindre que son maître » : rendez-vous donc servante des pauvres ; allez les servir dans leurs lits quand ils sont malades, je dis de vos propres mains ; soyez leur cuisinière, et à vos propres dépens ; soyez leur lingère et blanchisseuse, O ma Philothée, ce service est plus triomphant qu’une royauté.

Je ne puis assez admirer l'ardeur avec laquelle cet avis fut pratiqué par saint Louis, l’un des grands rois que le soleil ait vus, mais je dis grand roi en toute sorte de grandeur. Il servait fort souvent à la table des pauvres qu’il nourrissait, et en faisait venir presque tous les jours trois à la sienne ; et souvent il mangeait les restes de leur potage avec un amour nonpareil. Quand il visitait les hôpitaux des malades (ce qu’il faisait fort souvent), il se mettait ordinairement à servir ceux qui avaient les maux les plus horribles, comme ladres, chancreux et autres semblables, et leur faisait tout son service à tête nue et les genoux à terre, respectant en leur personne le Sauveur du monde, et les chérissant d’un amour aussi tendre qu’une douce mère eut su faire son enfant. Sainte Élisabeth, fille du roi de Hongrie, se mêlait ordinairement avec les pauvres, et pour se récréer s’habillait quelque-

  1. Comme ayant plus de richesses.