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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/224

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fois en pauvre femme parmi ses dames, leur disant : « Si j’étais pauvre, je m’habillerais ainsi ». O mon Dieu, chère Philothée, que ce prince et cette princesse étaient pauvres en leurs richesses, et qu’ils étaient riches en leur pauvreté !

« Bienheureux sont ceux qui sont ainsi pauvres, car à eux appartient le Royaume des cieux ». « J’ai eu faim, vous m’avez repu ; j’ai eu froid, vous m’avez revêtu : possédez le royaume qui vous a été préparé dès la constitution du monde », dira le Roi des pauvres et des rois en son grand jugement.

Il n’est celui qui en quelque occasion n’ait quelque manquement et défaut de commodités. Il arrive quelquefois chez nous un hôte que nous voudrions et devrions bien traiter ; il n’y a pas moyen pour l’heure ; on a ses beaux habits en un lieu, on en aurait besoin en un autre où il serait requis de paraître ; il arrive que tous les vins de la cave se poussent et tournent : il n’en reste plus que les mauvais et verts ; on se trouve aux champs dans quelque bicoque, où tout manque : on n’a lit, ni chambre, ni table, ni service. Enfin, il est facile d’avoir souvent besoin de quelque chose, pour riche qu’on soit ; or cela, c’est être pauvre en effet de ce qui nous manque. Philothée, soyez bien aise de ces rencontres, acceptez-les de bon cœur, souffrez-les gaîment.

Quand il vous arrivera des inconvénients qui vous appauvriront ou de beaucoup ou de peu, comme font les tempêtes, les feux, les inondations, les stérilités, les larcins, les procès, oh ! c’est alors la vraie saison de pratiquer la pauvreté, recevant avec douceurs ces diminutlions de facultés, et s’accommodant patiemment et cons-