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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/225

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tamment à cet appauvrissement. Esaü se présenta à son père avec ses mains toutes couvertes de poil, et Jacob en fît de même ; mais parce que le poil qui était ès mains de Jacob ne tenait pas à sa peau, ains à ses gants, on lui pouvait ôter son poil sans l’offenser ni écorcher : au contraire, parce que le poil des mains d’Esaü tenait à sa peau, qu’il avait toute velue de son naturel, qui lui eût voulu arracher son poil lui eût bien donné de la douleur : il eût bien crié ; il se fût bien échauffé à la défense. Quand nos moyens nous tiennent au cœur, si la tempête, si le larron, si le chicaneur nous en arrache quelque partie, quelles plaintes, quels troubles, quelles impatiences en avons-nous ! mais quand nos biens ne tiennent qu’au soin que Dieu veut que nous en ayons, et non pas à notre cœur, si on nous les arrache, nous n’en perdrons pourtant pas le sens ni la tranquillité. C’est la différence des bêtes et des hommes quant à leurs robes : car les robes des bêtes tiennent à leur chair, et celles des hommes y sont seulement appliquées, en sorte qu’ils puissent les mettre et ôter quand ils veulent.


CHAPITRE XVI

POUR PRATIQUER LA RICHESSE D’ESPRIT
EMMI LA PAUVRETÉ RÉELLE


Mais si vous êtes réellement pauvre, très chère Philothée, o Dieu, soyez-le encore d’esprit ; faites de nécessité vertu, et employez cette pierre précieuse de la pauvreté