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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/231

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et imperfection. Or, par icelles, les cœurs des hommes et des femmes demeurent pris et engagés et entrelacés les uns avec les autres en vaines et folles affections, fondées sur ces frivoles communications et chétifs agréments desquels je viens de parler. Et bien que ces sottes amours vont ordinairement fondre et s’abîmer en des charnalités et lascivetés fort vilaines si est-ce que ce n’est pas le premier dessein de ceux qui les exercent ; autrement ce ne seraient plus amourettes, ains impudicités manifestes. Il se passera même quelquefois plusieurs années sans qu’il arrive, entre ceux qui sont atteints de cette folie, aucune chose qui soit directement contraire à la chasteté du corps, iceux s’arrêtant seulement à détremper leurs cœurs en souhaits, désirs, soupirs, muguetteries et autres telles niaiseries et vanités, et ce pour diverses prétentions.

Les uns n’ont d’autre dessein que d’assouvir leurs cœurs à donner et recevoir de l’amour, suivant en cela leur inclination amoureuse, et ceux-ci ne regardent à rien pour le choix de leurs amours sinon à leur goût et instinct, si qu’à la rencontre d’un sujet agréable, sans examiner l’intérieur ni les déportements d’icelui, ils commenceront cette communication d’amourettes et se fourreront dedans les misérables filets desquels par après ils auront peine de sortir. Les autres se laissent aller à cela par vanité, leur étant avis que ce ne soit pas peu de gloire de prendre et lier les cœurs par amour ; et ceux-ci, faisant leur élection pour la gloire, dressent leurs pièges et tendent leurs toiles en des lieux spécieux, relevés, rares et illustres. Les autres sont portés et par leur inclination amoureuse et par la vanité tout ensem-