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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/240

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lerie de petits mots passionnés et de louanges tirées de la beauté, de la grâce et des qualités sensuelles ; mais l’amitié sacrée a un langage simple et franc, ne peut louer que la vertu et grâce de Dieu, unique fondement sur lequel elle subsiste. Le miel d’Héraclée étant avalé excite un tournoiement de tête, et la fausse amitié provoque un tournoiement d’esprit qui fait chanceler la personne en la chasteté et dévotion, la portant à des regards affectés, mignards et immodérés, à des caresses sensuelles, à des soupirs désordonnés, à des petites plaintes de n’être pas aimée, à des petites, mais recherchées, mais attrayantes contenances, galanterie, poursuite des baisers, et autres privautés et faveurs inciviles, présages certains et indubitables d’une prochaine ruine de l’honnêteté ; mais l’amitié sainte n’a des yeux que simples et pudiques, ni des caresses que pures et franches, ni des soupirs que pour le ciel, ni des privautés que pour l’esprit, ni des plaintes sinon quand Dieu n’est pas aimé, marques infaillibles de l’honnêteté. Le miel d’Héraclée trouble la vue, et cette amitié mondaine trouble le jugement, en sorte que ceux qui en sont atteints pensent bien faire en mal faisant, et cuident que leurs excuses, prétextes et paroles soient des vraies raisons ; ils craignent la lumière et aiment les ténèbres, mais l’amitié sainte a les yeux clairvoyants et ne se cache point, ains paraît volontiers devant les gens de bien. Enfin, le miel d’Héraclée donne une grande amertume en la bouche : ainsi les fausses amitiés se convertissent et terminent en paroles et demandes charnelles et puantes, ou, en cas de refus, à des injures, calomnies, impostures, tristesses, confusions et jalousies qui aboutissent bien souvent en abru-