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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/251

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se convertissent aisément aux délicatesses. Les cerfs courent mal en deux temps : quand ils sont trop chargés de venaison et quand ils sont trop maigres. Nous sommes grandement exposés aux tentations, quand notre corps est trop nourri et quand il est trop abattu ; car l’un le rend insolent en son aise et l’autre le rend désespéré en son mésaise ; et comme nous ne le pouvons porter quand il est trop gras, aussi ne nous peut-il porter quand il est trop maigre. Le défaut de cette modération ès jeunes, disciplines, haires et âpretés rend inutiles au service de la charité les meilleures années de plusieurs, comme il fit même à saint Bernard qui se repentit d’avoir usé de trop d’austérité ; et d’autant qu’ils l’ont maltraité au commencement, ils sont contraints de le flatter à la fin. N’eussent-ils pas mieux fait de lui faire un traitement égal, et proportionné aux offices et travaux auxquels leurs conditions les obligeaient ?

Le jeûne et le travail matent et abattent la chair. Si le travail que vous ferez vous est nécessaire, ou fort utile à la gloire de Dieu, j’aime mieux que vous souffriez la peine du travail que celle du jeûne : c’est le sentiment de l’Église, laquelle, pour les travaux utiles au service de Dieu et du prochain, décharge ceux qui les font du jeûne même commandé. L’un a de la peine à jeûner, l’autre en a à servir les malades, visiter les prisonniers, confesser, prêcher, assister les désolés, prier et semblables exercices : cette peine vaut mieux que celle-là ; car outre qu’elle mate également, elle a des fruits beaucoup plus désirables. Et partant, généralement, il est mieux de garder plus de forces corporelles qu’il n’est requis, que d’en ruiner plus qu’il ne faut ; car on peut