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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/274

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la civile qui consiste en la renommée ; le péché nous ôte la première, la mort nous ôte la seconde, et la médisance nous ôte la troisième. Mais le médisant par un seul coup de sa langue, fait ordinairement trois meurtres : il tue son âme et celle de celui qui l’écoute, d’un homicide spirituel, et ôte la vie civile à celui duquel il médit ; car, comme disait saint Bernard, et celui qui médit et celui qui écoute le médisant, tous deux ont le diable sur eux, mais l’un l’a en la langue et l’autre en l’oreille. David parlant des médisants : « Ils ont affilé leurs langues, dit-il, comme un serpent ». Or le serpent a la langue fourchue et à deux pointes, comme dit Aristote ; et telle est celle du médisant, qui d’un seul coup pique et empoisonne l’oreille de l’écoutant et la réputation de celui de qui elle parle.

Je vous conjure donc, très chère Philothée, de ne jamais médire de personne, ni directement, ni indirectement : gardez-vous d’imposer des faux crimes et péchés au prochain, ni de découvrir ceux qui sont secrets, ni d’agrandir ceux qui sont manifestes, ni d’interpréter en mal la bonne œuvre, ni de nier le bien que vous savez être en quelqu’un, ni le dissimuler malicieusement, ni le diminuer par paroles ; car, en toutes ces façons, vous offenseriez grandement Dieu, mais surtout accusant faussement et niant la vérité au préjudice du prochain ; car c’est double péché, de mentir et nuire tout ensemble au ; prochain.

Ceux qui pour médire font des préfaces d’honneur, ou qui disent de petites gentillesses et gausseries entre deux, sont les plus fins et vénéneux médisants de tous. Je proteste, disent-ils, que je l’aime et que au reste, c’est un galant homme ; mais cependant, il faut dire la vérité, il