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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/282

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CHAPITRE XXXI

DES PASSETEMPS ET RÉCRÉATIONS, ET PREMIÈREMENT
DES LOISIBLES ET LOUABLES


Il est force de relâcher quelquefois notre esprit et notre corps encore, à quelque sorte de récréation. Saint Jean l’Évangéliste, comme dit Cassian, fut un jour trouvé par un chasseur tenant une perdrix sur son poing, laquelle il caressait par récréation ; le chasseur lui demanda pourquoi, étant homme de telle qualité, il passait ; le temps en chose si basse et vile ; et saint Jean lui dit : « Pourquoi ne portes-tu ton arc toujours tendu ? » — « De peur, répondit le chasseur, que demeurant toujours courbé, il ne perde la force de s’étendre quand il en sera métier ». — « Ne t’étonne pas donc, répliqua l’apôtre, si je me démets quelque peu de la rigueur et attention de mon esprit pour prendre un peu de récréation, afin de m’employer par après plus vivement à la contemplation ». C’est un vice, sans doute, que d’être si rigoureux, agreste et sauvage, qu’on ne veuille prendre pour soi ni permettre aux autres aucune sorte de récréation.

Prendre l’air, se promener, s’entretenir de devis joyeux et amiables, sonner du luth ou autre instrument, chanter en musique, aller à la chasse, ce sont récréations si honnêtes que pour en bien user il n’est besoin que de la commune prudence, qui donne à toutes choses le rang, le temps, le lieu et la mesure.