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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/281

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Seigneur, mettez des gardes à ma bouche et une porte qui ferme mes lèvres », disait David.

C’est un avis du roi saint Louis, de ne point dédire personne, sinon qu’il y eût péché ou grand dommage à consentir : c’est afin d’éviter toutes contestes et disputes. Or, quand il importe de contredire à quelqu’un, et d’opposer son opinion à celle d’un autre, il faut user de grande douceur et dextérité, sans vouloir violenter l’esprit d’autrui ; car aussi bien ne gagne-t-on rien, prenant les choses âprement. Le parler peu, tant recommandé par les anciens sages, ne s’entend pas qu’il faille dire peu de paroles, mais de n’en dire pas beaucoup d’inutiles ; car en matière de parler, on ne regarde pas à la quantité, mais à la qualité. Et me semble qu’il faut fuir les deux extrémités : car de faire trop l’entendu et le sévère, refusant de contribuer aux devis familiers qui se font ès conversations, il semble qu’il y ait ou manquement de confiance, ou quelque sorte de dédain ; de babiller aussi et cajoler toujours, sans donner ni loisir ni commodité aux autres de parler à souhait, cela tient de l’éventé et du léger.

Saint Louis ne trouvait pas bon qu’étant en compagnie l’on parlât en secret et en conseil, et particulièrement à table, afin que l’on ne donnât soupçon, que l’on parlât des autres en mal : « Celui, disait-il, qui est à table en bonne compagnie, qui a à dire quelque chose joyeuse et plaisante, la doit dire que tout le monde l’entende ; si c’est chose d’importance, on la doit taire sans en parler ».